Pourquoi sommes-nous accros aux mauvaises nouvelles ?

Alors que nous rêvons de bonheur, de paix, de joie et de petits oiseaux, nous nous intéressons principalement à toutes les informations (actualités, films, livres…) qui vont activer nos craintes.

Pourquoi donc avons-nous ce besoin de secouer nos peurs ?

L’Être humain s’est redressé sur ses deux pieds pour mieux apercevoir les éventuels prédateurs potentiels qui le menaçaient à l’époque. C’était à la condition de les voir venir très tôt qu’il pouvait s’en sortir. Soit il fuyait, soit il terrassait l’attaquant. Seuls les plus forts s’en sortaient.

À l’époque, il s’agissait de techniques de survie. Ainsi l’Homme donnait l’exemple aux plus jeunes que pour s’en sortir, il fallait, ou fuir très vite à la vitesse du mur du son, ou écraser les menaces façon Hulk.

Et ce schéma a perduré longtemps, longtemps, longtemps… jusqu’à…. disons… aujourd’hui ? Oui, aujourd’hui.

Aujourd’hui donc, le risque de se faire charger par un mammouth laineux ou un lion des cavernes dans notre quotidien est, disons-le, quasi nul (nous acceptons que le risque zéro n’existe pas). Donc les réflexes de fuite ou d’attaque devraient être majoritairement apaisés. Sauf que nous avons un cerveau archaïque, qui lui, adore la ramener avec ses vieux formatages non reprogrammés au goût du jour, pour mieux nous maintenir dans la peur mon enfant. En plus, l’inconscient collectif s’en mêle. Quel fouillis !

Nos peurs auraient-elles du pouvoir ?

Que dire du voisin qui nous téléphone alors que nous sommes en pleine fête d’anniversaire, pour nous parler de la dernière catastrophe qui se passe aux antipodes, pour laquelle nous ne pouvons rien faire mais qui distille quand-même la peur au ventre ? Et même qu’il en rajoute ! La fête est gâchée. Fort à parier que les prochaines aussi, parce que nous aurons fait l’ancrage fête-catastrophe. Même sans y penser, les anniversaires garderont un goût amer, sans savoir pourquoi, parce que nous aurons oublié cet évènement.

C’est qu’il est investi dans le monde, lui, le voisin, à jongler avec toutes les catastrophes ! Il en répand des paniques dans nos ventres ! Dans son ton désapprobateur, nous entendons notre honte à ne pas être aussi investi que lui. Le voisin a gagné ! Nous culpabilisons ! À lui, le pouvoir sur nous en distillant la peur. Est-ce à dire que de s’attacher aux catastrophes permettrait de manipuler les autres par nos angoisses ?


Et si nous étions bercés depuis notre plus tendre enfance par la peur !


Quand on voit que Cendrillon, la belle au bois dormant, Bambi, Blanche neige, … sont tous passés par une catastrophe pour trouver le bonheur, devons-nous en déduire que la condition sine qua non pour parvenir au saint Graal est de passer par le malheur. Oh ben quand même !

Heureusement que Shrek est arrivé et que le Grinch a rencontré Cindy-Lou Chou de Chouville !


Les mauvaises nouvelles, ça sert à quoi d’autre ?

Les mauvaises nouvelles, c’est pratique aussi pour communiquer. Léon Tolstoï dans Anna Karénine, disait que les « gens heureux n’ont pas d’histoire ». Alors comment animer une conversation sans histoire parce qu’on est heureux ? Par chance, les mauvaises nouvelles sont là pour agrémenter les conversations !

Donc !

Résumons. Aujourd’hui, nous voulons le bonheur, la paix, la joie et les cui-cuis des petits oiseaux. Mais notre cerveau archaïque fait tout pour nous maintenir dans l’anxiété, des fois que le mammouth laineux ou le lion des cavernes nous attendraient au coin d’une rue bien sombre. Alors, en stockant les mauvaises nouvelles, nous nous assurons que nous serons à même d’identifier et d’analyser les dangers qui toqueront à notre porte. Ouf ! Ainsi, nous échapperons au mammouth laineux et ferons face au lion des cavernes.

Bon, soyons honnêtes, nous savions avant même de stocker ces informations que le mammouth laineux et le lion des cavernes n’existaient plus. Cette peur ancestrale, bien qu’inutile aujourd’hui, justifie le stockage des mauvaises nouvelles, qui à leur tour justifient que l’on se prémunisse des dangers, qui à leur tour nous détournent des cui-cuis des petits oiseaux qui finissent par se faire avaler tout cru par le lion des cavernes, qui à son tour revient semer la terreur alors qu’il n’existe toujours plus ! La boucle est bouclée. Vicieux le cercle, quand même !

Il est bien évident que le nez dans le guidon, nous passons vite fait sur les choses sans danger donc apparemment sans intérêt pour, plutôt, nous focaliser à survivre. Et dès lors que nous mettons un orteil dans le camp des catastrophes, c’en est fini de notre maîtrise corporelle. Nous nous faisons gober entièrement par cette addiction. Terminé les cui-cuis, remettons la tête dans le guidon ! Qu’est-ce qui nous a pris de vouloir le bonheur !

Alors, le bonheur, c’est fichu ?

Heureusement non ! Dès lors que nous prenons conscience que de toujours être en état d’alerte, cela nous empêche de profiter du bonheur, nous cherchons à changer. Commençons par rationaliser notre cerveau archaïque. Sortons notre boite à outils pleine de techniques, de trucs et astuces et reprogrammons-le au goût du jour pour nous autoriser, enfin, à voir le bonheur qui se niche partout. Et non, le bonheur, ce n’est pas un gros paquet cadeau qui arrive par la poste.

Ces choses qui nous paraissent sans intérêt font pourtant notre bonheur. Nous nous attendrissons devant la petite fille de deux ans qui dérobe le téléphone de sa maman pour appeler sa mamie en cachette. Qui lui raconte sa journée, dans un langage pas toujours adapté aux tubes creux des téléphones et qui, lorsque la mamie veut raccrocher, lui dit : j’ai pas fini !

Nous nous rendons compte que, plus nous remarquons ces moments-là, plus il s’en produit. Vertueux, le cercle, cette fois-ci.

Et puis pour finir, ces quelques mots de Léon Tolstoï (encore lui) :
« Quel est le sens de la vie si cela finit toujours par la mort ? Chaque minute de mon existence aura un sens incontestable et profond qu’il sera en mon pouvoir d’imprimer à chacune de mes actions : celui du bien. »

L’herbe est-elle vraiment plus verte ailleurs ?

La fable de Jason et Sheeperd

Les nouvelles tondeuses écolos à 4 pattes, mâchoire pendante et yeux écarquillés, buggent en admirant le green de l’enclos voisin. Elles en rêvent de cette herbe verte, tellement plus verte ! Tellement plus tendre ! Tellement plus goûtue ! Si alléchante ! Si affriolante ! Si gourmande ! Quelle félicité ce serait de la brouter ! Même seulement de la humer. Pas plus. Au début, du moins. 

Mais Jason et Sheeperd ne sont pas dans le bon pourpris. Ils sont nés du mauvais côté de la barrière ! Ils se disent que leur berger aurait tout intérêt à copiner avec le voisin pour qu’il donne sa recette pour un tel gazon ou pour les y mettre à tondre. 

Dès lors, dans les cerveaux de Jason et Sheeperd, s’échafaude une moutonnerie : se pourrait-il que, par le plus grand des hasards qui n’existe pas, se trouve dans la clôture, un passage pour le Nirvana d’à côté ?

Pourquoi vouloir brouter l’herbe d’à côté ?

Pour être heureux, parbleu ! À n’en pas douter, cette herbe est magique. La même couleur verte jour après jour. Une brillance comme nulle part ailleurs. Une étendue à perte de vue.

Avec pareille verdure, ils auraient deux fois plus de laine sur le dos, c’est indéniable. Également une qualité bien supérieure. Et inévitablement, plus de considération du monde entier. Ils pourraient même devenir célèbres pour leur toison, qui, n’en doutons pas, deviendrait de l’or. De véritables légendes qu’ils seraient. Des célébrités.

Ils prévoient de devenir les producteurs exclusifs de la fabrique de pelotes de laine du coin. Ils envisagent déjà la quantité qu’ils devront fournir pour alimenter le monde en pulls, couvertures, chaussettes, bonnets, gants, moufles, estampillés « Jason et Sheeperd » ou « Sheeperd et Jason ».

Ils s’imaginent, adorés, adulés, vénérés comme les rois de la toison d’or. Une cour défilera à leurs sabots chaque jour. L’herbe leur sera servie sur un plateau. Quasi pré-mâchée. Finie la tonte. Plus besoin d’effort. Plus aucune fatigue. Une vie débonnaire se déroulant comme un long fleuve tranquille, où Patrick Bouchitey chantera en s’accompagnant à la guitare : « Jésus revient, Jé-ésus revient… ». Le Paradis, le Firdaws, l’Eldorado ! Quelle béatitude !

Et tout ceci accessible par le trou, enfin repéré, dans la clôture !


L’herbe d’à côté                   

Nous volons!!! sans fumée, sans alcool, juste avec un peu d’herbe

Ça y est, ils y sont ! Ils foulent doucement le green qui crisse sous leurs sabots. Rien que ce petit bruit les ravit et les met en appétit. Complètement différente de leur pâture. Leur herbe à eux ne fait pas ce crissement prometteur. Leur herbe à eux n’est pas toujours verte. Leur herbe à eux ne brille pas….

Et pour cause…

Au premier coup de dents dans le green, Jason et Sheeperd sont surpris. Le goût n’est pas vraiment celui escompté. Ils s’attendaient à ce que les brins soient tendres, juteux, exquis. Qu’ils les fassent saliver de toutes leurs glandes et qu’ils leur offrent un véritable festin. Mais rien de tel. La perplexité se lit dans leur regard. Qu’est-ce donc que cette prairie-là ?

Pour être tout à fait sûrs, ils tondent une deuxième bouchée. La font tourner en bouche. La collent au palais. La mâchent avec attention pour en extraire la substantifique moelle. Mais rien ! Tout aussi décevante. Même très désagréable. Carrément écœurante. Cette fois-ci ils recrachent la lippée. Infecte. Abjecte. Cette herbe sur laquelle Sheeperd et Jason avaient tiré des plans sur la comète s’avère repoussante. Immangeable. Pire que n’importe quel foin de 10 ans d’âge ! Quelle est donc cette sorcellerie ?

En réalité, le green n’est qu’une vaste étendue de gazon artificiel pour golfeurs amateurs ! Certainement pas une pâture à tondre avec délice.

Épilogue

Quelle déception ! Si prometteur, ce gazon. Si brillant. Si parfait. Si plein de promesses. Jason et Sheeperd en avaient tellement rêvé. Tout dépités, ils rentrent la tête basse dans leur prairie. Par habitude, ils se mettent à brouter, en bonnes tondeuses écolos à 4 pattes. Ils trouvent qu’elle est quand-même meilleure cette herbe. Même si elle ne brille pas. Ne crisse pas. N’est pas toujours aussi verte. 

Et puis, à se faire servir, ils se seraient empâtés, Sheeperd et Jason. Ils n’auraient plus été que des machines à pelotes de laine. Ça a son charme, peut-être ? Mais pas pour eux. 

Le gazon synthétique, beurk !                   

Moralité

« Si l’herbe est plus verte dans le jardin de ton voisin, laisse-le s’emmerder à la tondre »
John Florence Sullivan dit Fred Allen, humoriste du début du XXème siècle

Mon premier amour

Mon premier amour, c’est bien cette personne qui a fait vibrer tous mes sens quand j’avais à peine 15 ans ?… Non?… Ah bon !…. Ben alors, c’est qui ?

Moi, tout simplement moi.
Alors là, vous me la baillez belle ! Pourtant tout le monde dit qu’il faut d’abord aimer son prochain.

Ça va pas faire égoïste de s’aimer soi ? Narcisse l’a déjà fait, ça lui a pas vraiment réussi, il a mal fini. Plouf !

C’était pas la bonne idée du siècle. Alors comprenez la frilosité à imaginer faire pareil.


Ange Eulo et Ange Élusse 

– Je m’aime, un peu, beaucoup, de plus en plus.

– Mais oui t’es beau Ange Eulo, arrête de toujours te regarder dans la glace, tu vas user le miroir, et franchement, qu’est-ce que ça t’apporte de faire ça ?
– J’apprivoise mon reflet.

– Ben, pour quoi faire ?
– Pour apprendre à m’aimer. Si je ne m’aime pas, j’ai l’impression de ne pas pouvoir aimer les autres. C’est comme si je voulais donner à manger à quelqu’un alors que mon garde-manger est vide. C’est impensable. Donc, je commence à le remplir d’abord.
– Ça fait un peu égocentrique ton truc.
– C’est ton point de vue. Pour moi, ça me permet d’avoir plus d’énergie pour les autres.


Ange Élusse

Ange Élusse n’a pas la même vision qu’Ange Eulo, et pour le remettre dans le droit chemin, il a couvert de papier journal tous les miroirs de la maison. Ainsi ça évitera à Ange Eulo de s’auto- centrer sur sa propre personne.
Pour autant Ange Eulo continue à apprivoiser chaque jour davantage son image malgré la blague des miroirs recouverts, pendant qu’Ange Élusse offre toutes ses provisions aux autres. Il organise chaque jour une longue tournée de distribution. C’est qu’il y en a du monde !
Entre faire les courses pour les autres, répartir les denrées en repas, puis la longue tournée, Ange Élusse y passe ses journées et finit par s’oublier.

Mais faire passer les autres avant lui, cela lui apporte une telle joie que pour rien au monde il ne voudrait s’en priver. De là à penser qu’il faille plus malheureux que soi pour être heureux, il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons cependant pas, afin de ne pas entériner l’idée.

Ange Eulo

Gonflé de l’amour qu’il a pour lui, Ange Eulo déborde d’énergie. Et cette énergie lui donne l’envie de la partager avec le monde entier. Ainsi, il s’adonne régulièrement au troc car pour lui, le partage à sens unique a un côté déséquilibré. Il craint que cela lui donne un sentiment de supériorité sur l’autre, s’il ne s’autorise pas à recevoir l’abondance d’un échange.

Il est convaincu que chacun a une richesse en lui et que grâce au troc, tout le monde peut en prendre conscience. Alors il troque. Il troque le matin, il troque le midi, il troque le soir. Il troque un pain, un cours de guitare, une heure de son temps et ça le remplit de joie, et les autres par la même occasion, sur un même pied d’égalité. De là à penser que tout le monde peut être heureux en même temps, il n’y a qu’un pas que nous franchissons allégrement.

Épilogue

Ange Élusse s’épuise dans sa joie à sens unique, même si cela semble apporter du bonheur aux autres. Pour autant, personne n’en a la moindre reconnaissance, tout perdus qu’ils sont dans l’inquiétude du lendemain.

L’infélicité générerait-elle l’indifférence?

À bout d’énergie, Ange Élusse demande sa recette à Ange Eulo.
-Mon premier amour, c’est moi !
-Bon sang, mais c’est bien sûr ! Ça paraît presque trop simple pour être vrai : s’aimer soi pour aimer les autres et donner aux autres de quoi être aimé !

Dès lors, Ange Élusse enlève le papier journal de tous les miroirs et entreprend d’apprivoiser son image. Pour reconnaître ses qualités et les transcender. Accepter ses défauts et les métamorphoser.
Toute une nouvelle route à tracer, décorer, vivre.

Désormais, Ange Eulo et Ange Élusse prennent plaisir à réunir leurs 2 visions et ainsi en faire un Paradis !

‘’S’aimer soi-même, c’est s’attacher à découvrir l’essence qui est déposée en soi.’’
Paule Salomon ; La sainte folie du couple (1994)

Truc et astuce : Apprivoiser son image dans un miroir sous toutes les coutures